L’hôtel nous avait été recommandé pour sa localisation, idéale pour visiter les musées du Louvre-Lens et le LAM à Villeneuve d’Ascq. Sur ce point, nous n’avons pas été trompés. En effet, l’hôtel est situé tout au bord de l’autoroute A1 et de la voie du TGV Lille-Paris. Tout au bord. L’établissement a la grâce d’un motel défraîchi d’une ville minière abandonnée du Dakota, qu’un entrepreneur français excentrique aurait racheté dans les années 1970 pour le prix d’un saucisson, et reconstruit sur une friche acquise pour pas beaucoup plus cher. Accueil cordial et efficace à la réception. Nous repartons, carte magnétique en main et traversons le parking pour gravir gaillardement l’escalier en colimaçon de béton usé qui mène vers la passerelle sur laquelle s’ouvrent les chambres à l’étage. Un pot à fleurs en zinc est accroché à la balustrade devant la porte de notre chambre. IL est rempli d’un sable gris dans lequel gisent des chewing-gums et des mégots de cigarette, sucés jusqu’à la moëlle, aux filtres mâchonnés. Pour en fuir l’odeur âcre, nous ouvrons précipitamment la porte de notre chambre et nous engouffrons à l’intérieur. Nous sommes accueillis par une bouffée violente, tiède et humide au parfum puissant de cigarette. La chambrette est triste et glauque, le mobilier morne et usé, les rideaux jaunis. L’odeur est infecte. La chambre est propre toutefois. Les lits sont faits. Rien à dire à l’équipe de nettoyage. Mais la pièce est sinistre. Et elle pue. Nous avons entendu la réceptionniste répondre au téléphone que l’hôtel était complet. Nous sommes attendus pour la visite du musée. Nous décidons de faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Nous achèterons une bombe de désodorisant. De toute manière, nous rentrerons tard et ne resterons qu’une nuit, quittant le lendemain matin. Nous revenons vers 23 heures, heureux d’une belle visite et d’un repas joyeux avec de bons amis. Nous sommes heureux, tolérants, de très bonne composition. Et nous avons acheté une bombe de désodorisant au jasmin. Nous entrons dans la chambrette en riant, bombe en main, projetant le parfum devant nous. Le parfum retombe vite. « La mer y passerait sans laver la souillure, car l’abime est immense et la tâche est au fond ». L’odeur est là, qui s’attache à nous, nous étouffe. Resignés, nous nous couchons. Pour m’endormir, je pense à Arthur Rimbaud, bercé par le doux frou-frou de ses étoiles au ciel. Quant à moi j’écoutais, au bord de l’autoroute Le ron-ron des moteurs, des autos, des camions Le train qui hurle et siffle, le chahut des klaxons Et la pluie sur le toit, qui tombait goutte à goutte. Pour ne plus entendre ce vacarme, je plonge ma tête dans l’oreiller, grumeleux comme un vieux sac à linge rempli de chaussettes roulées en boule. Et je me récite les Ames Damnée de Baudelaire : « A la pâle lueur des lampes languissantes / Sur de profonds coussins, tout imprégnés d’odeurs » Je m’interromps après deux vers. L’oreiller pue la vieille clope. Je suffoque.
良い
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